Flambée du prix du gaz : comment le bouclier tarifaire joue pour les bailleurs
et
comment répercuter la hausse des charges sur le locataire

Constat : une inflation du gaz contrée (en partie) par un bouclier tarifaire

Les prix de l’énergie flambent à des niveaux records. Près de 15 millions de ménages, logements collectifs et entreprises utilisent le gaz naturel en France et subissent le tarissement des livraisons de gaz, principalement celles provenant du Russie.
Le Tarif Réglementé de Vente (TRV) qui évolue chaque mois, aurait dû tripler sur une année si le gouvernement n’avait pas instauré un blocage des prix pour un coût d’environ 10 milliards d’euros.
Les appartements en copropriété n’avaient pas profité de ce blocage jusqu’en février 2022 et avaient donc répercuté directement l’augmentation dans les charges. Dorénavant les opérateurs d’énergie ont reçu une compensation couvrant le différentiel de prix du marché et le TRV gelé. Les syndics devront déduire cette compensation lors des prochains appels de charge. Pour tous les copropriétaires, c’est donc enfin une bonne nouvelle mais attention, cela ne fera que limiter l’inflation qui reste tout de même à +15% sur une année.

Évolution du tarif réglementé du gaz TTC en 2022 sans le gel des tarifs

Les loyers incluent une provision de charges locatives, soumises donc à l'inflation de l'énergie

En tant que bailleur, vous recevez un loyer charges comprises comprenant des charges récupérables liés à trois familles :

  • Les charges de services liés au logement et à l'usage de l'immeuble ;
  • Les dépenses d'entretien courant ;
  • Les menues réparations des parties communes.

Concrètement, si votre logement mis à la location a un chauffage collectif, votre locataire paiera une somme couvrant par anticipation l’utilisation individuelle de son chauffage.
Les autres charges récupérables représentent l’eau chaude, l’eau froide, le fonctionnement des ascenseurs, l’entretien des parties communes extérieures et intérieures, l’enlèvement des ordures ménagères, la taxe de balayage et la taxe d’assainissement.
Il est donc indispensable que vous contestiez chaque année les charges de copropriété auprès de votre locataire en fonction des charges réellement payées.

Contester les charges locatives pour récupercuter le coût réel de 'énergie consommée

Chaque année, votre syndic transmet aux copropriétaires par courriel ou via son extranet, l’arrêté des comptes de copropriété permettant de dresser un comparatif entre les sommes versées de provisions et les sommes réellement dépensées. Il y a, à ce moment, là 3 cas :

  • il n’y a pas ou très peu d’écart : il n’y a rien à faire à part communiquer auprès de votre locataire de l’absence de régularisation
  • la régularisation affiche un trop perçu en faveur du locataire : le locataire a versé plus de provisions que de charges réelles. Le locataire est en droit de demander le remboursement du trop perçu au propriétaire et de solliciter un ajustement à la baisse des charges locatives
  • la régularisation affiche une sous-évaluation du montant des charges, ce qui, au vu de l’inflation généralisée de 15% du gaz naturel, se produira.

Dans ce dernier cas, le bailleur doit solliciter une régularisation auprès du locataire en produisant le justificatif (le relevé de charges annuel) attestant de la nécessité de verser un complément au titre des charges récupérables.

Il doit par la suite envoyer une notification à chaque signataire du contrat de location. Voici un modèle de lettre :

Objet : Régularisation de charges locatives

Madame, Monsieur,

Propriétaire du logement situé au [Adresse du logement], que vous louez depuis [Date à préciser].
Par la présente, je vous informe que nous avons procédé à la régularisation des charges locatives annuelles.
Pour rappel, cette régularisation correspond à l’ajustement annuel entre les provisions sur charges versées par le locataire et les charges locatives réelles.
Période de la régularisation : [Dates]
Montant annuel des provisions sur charges : [Montant]
Montant annuel des charges locatives réelles : [Montant]
Résultat : [Montant]
Le montant de cette régularisation est donc de [Montant à préciser], à nous/vous régler dans le délai d’un mois
Vous trouverez ci-joint le décompte par nature des charges. Les pièces justificatives des charges sont tenues à votre disposition durant un mois (préciser si c’est auprès de Vous, de l’Agence de location ou du Syndic).
Vous trouverez ci-joint le décompte par nature des charges. Les pièces justificatives des charges sont tenues à votre disposition durant un mois (préciser si c’est auprès de Vous, de l’Agence de location ou du Syndic).
Afin de réduire un écart trop important sur le prochain exercice, la provision mensuelle pour charges sera donc désormais de [Montant à préciser], à verser dans les mêmes conditions que l’ancienne, en supplément du loyer.
N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez des renseignements complémentaires.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.

Une fois la provision régularisée se pose la question de l’ajustement des prochaines provisions.
Il faudra communiquer au locataire le nouveau montant de la provision pour charges.

Isoler votre logement pour éviter de mauvaises surprises

Louer un bien non énergivore est le meilleur moyen de se prévenir d’une augmentation des charges liées à l’inflation énergétique.
Pour cela, n’hésitez pas à renouveler votre Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) dont le nouveau format est entré en vigueur le 1er juillet 2021 (voir article Le nouveau DPE, un préalable à la location d’un bien l’immobilier). Le DPE a fait en effet l’objet d’une refonte qui le rend plus fiable, plus lisible, et permet de mieux tenir compte des enjeux climatiques. Chaque diagnostiqueur produisant un DPE distille quelques conseils pour améliorer la note globale et donc de moins consommer. Cela peut concerner la circulation de l’air grâce à des VMC hygroréglable, une isolation des murs ou plancher, voire le remplacement d’une chaudière qui, pour la plupart des cas, devra être acceptée par l’assemblée générale des copropriétaires.

Cette refonte s’inscrit dans un contexte plus large d’accélération de la rénovation énergétique des bâtiments, dont le DPE est l’un des outils clés.
Par ailleurs, Les logements classés F et G seront considérés comme indécents (s’ils présentent des déperditions thermiques importantes et si l’une des pièces ne possède pas de fenêtre, de VMC ou tout autre moyen d’aération) ; et ne pourront plus être mis sur le marché de la location sans travaux d’isolations substantiels.
Les pouvoirs publics ont mis en place un calendrier ambitieux qui prévoit leur interdiction dans les prochaines années :

  • Août 2022 : interdiction d’augmenter les loyers pour tous les logements classés F et G
  • 1er janvier 2025 : interdiction de mise en location ou reconduction de baux pour tous les logements classés G
  • 1er janvier 2028 : interdiction de mise en location ou reconduction de baux pour tous les logements classés F

Si des travaux de rénovation énergétique sont réalisés, cela permettra une économie moyenne pour les locataires de 1 000 € par an et par logement
Aujourd’hui, la quasi-totalité des travaux de rénovation énergétique est dotée d’aides et de subventions pour alléger le poids financier qu’ils représentent.
L'un des dispositifs à votre disposition est celui de Ma Prime’Renov.

Charges locatives

Les points essentiels à retenir

  1. La régularisation des charges locatives peut se faire une fois l’année, à la réception du relevé de charges annuel. Le bailleur doit, en cette période d’inflation, être très vigilant pour s’assurer un rendement
  2. Les charges dites forfaitaires ne peuvent pas faire l’objet de régulations. Seules les provisions peuvent être ajustées
  3. Le bailleur doit garder les pièces justificatives permettant de régulariser les provisions
  4. Le bailleur peut récupérer les arriérés de charges pendant 3 ans, y compris après le départ du locataire
  5. Pour éviter des mauvaises surprises, votre logement doit être isolé. Le nouveau DPE vous donnera de précieux conseils pour diminuer la facture énergétique

Article publié le 18/10/2022, rédigé par Alexandre Couronne