Le blogueur et auteur David Lebovitz nous ouvre les portes de sa cuisine

Words: Alison Culliford Photos: Natalie Weiss
Portrait

L’auteur de My Paris Kitchen nous dévoile les secrets de la vie parisienne et des plaisirs culinaires.

En 2004, David Lebovitz met fin à 13 années dans les cuisines du célèbre restaurant Chez Panisse à San Francisco et fait ses valises pour la capitale de la gastronomie. Auteur de livres de cuisine depuis 5 ans, blogueur culinaire depuis 1999, « quand personne ne savait encore ce qu’était un blog », David a rencontré dans la Ville Lumière un public d’un tout autre caractère, désireux de suivre ses chroniques décalées sur les plaisirs de la table et de la vie à Paris. Son troisième livre, The Sweet Life in Paris, raconte comment il s’est lui-même adapté à la « ville la plus splendide et la plus déconcertante qui soit ».

En 2012, il apprivoise enfin les joies de la vie parisienne en accédant à la propriété dans le 11e arrondissement, dans le village Popincourt. Finies les années de galère à monter ses courses sur 6 étages sans ascenseur ; adieu la fabrication rustique de crème glacée dans la salle d’eau et le séchage du chocolat sur le rebord de la fenêtre de la chambre. Aujourd’hui, la cuisine de son appartement est the place to be : il y cuisine, y écrit et y reçoit ses amis. Son dernier livre « éponyme » My Paris Kitchen y prend ses sources et nous livre une série de recettes et d’histoires personnelles pleines d’humour. Primé à plusieurs reprises, il a notamment été distingué par les Goodreads Choice d’Amazon parmi les meilleurs livres de cuisine de l’année 2014. Les plus fidèles trouveront sur le blog de David toutes les dates de ses séances de signature à Paris et dans le monde entier.

C’est autour d’un îlot central en bois imposant, pouvant accueillir jusqu’à 12 personnes, que nous avons rencontré David. Au beau milieu de sa collection hétéroclite de casseroles, poêles et autres accessoires, il nous a raconté sa fascination inconditionnelle pour Paris et les difficultés qu’il a rencontrées pour l’écriture de son dernier livre.

Qu’est-ce qui vous a poussé à venir vous installer à Paris en 2004 ?

Le San Francisco des années 1980/1990, tel que je le connaissais, avait cessé d’exister. Tout avait changé et je me suis aperçu qu’en tant qu’écrivain, j’avais la possibilité de travailler de n’importe où, et je me suis dit, « pourquoi pas Paris ? ». Alors, je suis parti comme ça, sur un coup de tête.

Donc Paris n’était pas un rêve de longue date ?

Non et c’est amusant car bien qu’ayant travaillé la plupart de ma vie dans un restaurant, Chez Panisse, attaché à des recettes simples comme la cuisine niçoise, qui ressemble beaucoup à la cuisine californienne, je n’étais pas vraiment francophile avant de m’installer ici. J’y avais fait mes études de pâtisserie et je connaissais la gastronomie française mais de là à dire « Mon rêve est de m’installer en France et de dîner avec Catherine Deneuve », il y avait un monde.

Le Paris que vous révélez dans My Paris Kitchen reflète-t-il le vrai Paris ?

Absolument. J’avais clairement fait comprendre à mon éditeur que rédiger un livre fantasmatique sur Paris ne m’intéressait pas. Quand on vit à Paris, on comprend que tout ce qui ne correspond pas à son image glamour contribue aussi à la beauté de la ville. Je voulais montrer cette face cachée, souvent occultée. Cette perception est d’ailleurs très subjective, presque intime, d’où ma difficulté à mettre des mots sur une émotion si enfouie. Ce livre a jusqu’ici représenté mon plus grand défi.

Avez-vous des lecteurs français ?

Oui, les Français ont été très sensibles à mon travail et à vrai dire un tiers de mes lecteurs n’est pas américain. Mes livres ont été traduits en Coréen, Grec, Polonais, Lituanien, etc.

À en croire votre blog, il semble que vous soyez assailli par une horde de fans. Vous reconnaît-on dans la rue ?

Oui et ça ne me pose aucun problème. L’autre jour, j’étais à un événement et tout le monde voulait me parler. Dans 99 % des cas, les gens sont adorables, parfois seulement certains vous accaparent. Mais s’il y a bien une chose que j’ai apprise en France, c’est comment dire non. Maintenant, lorsqu’on me demande « Puis-je vous poser une question ? », je n’hésite plus à répondre « Ça aurait été avec plaisir mais j’ai d’autres choses à faire. Je préfère passer du temps avec mon compagnon, travailler ou lire un livre ».

Organisez-vous aussi des food tours ?

Une ou deux fois par an et je fais toujours le même. C’est une visite gastronomique autour du chocolat à Paris et Lausanne, cela me permet de rester en symbiose avec la ville. C’est vrai qu’une fois la routine installée, Ladurée par exemple ne fait plus partie de nos adresses de prédilection et la simple idée d’aller dans le 6e arrondissement semble épuisante. Les gens se demandent pourquoi je ne vais pas dans le 15e pour acheter ma baguette et mes viennoiseries. Mais quand on vit ici, on a tendance à rester autour de chez soi. Il est difficile pour les étrangers de saisir cette dimension de village qui règne dans chacun des quartiers parisiens. J’en parle justement dans mon livre.

Avez-vous choisi le quartier dans lequel vous vivez pour la qualité de ses commerces de bouche ?

Pas du tout, j’habitais Bastille et je ne voulais pas quitter le 11e car j’y avais mes habitudes. Changer de quartier revient à se faire bizuter par les locaux. Une fois cette initiation passée, vous faites partie des leurs mais n’avez aucune envie de vous y soumettre à nouveau. Les Parisiens sont réputés pour être mal aimables envers les étrangers, ce n’est pas tout à fait vrai. Ils sont aujourd’hui habitués à côtoyer dans leurs boulangeries une clientèle internationale qui bredouille le français.

Parlez-vous bien français ?

Je ne parviens pas totalement à franchir la barrière de la langue. Alors que certains de mes amis français parlent l’anglais comme des natifs, je rencontre encore des difficultés à exprimer le fond de ma pensée. Pour vous donner un exemple, il m’est impossible de m’énerver en français. Un jour, j’ai eu un problème avec mon opérateur téléphonique et un ami m’a suggéré : « Énerve-toi en anglais ! Ils détestent ça ! ».

Vous énervez-vous beaucoup ?

Non, mais les Américains cherchent toujours la solution la plus efficace ou la plus rapide. Alors qu’ici tout prend un temps fou. Ma plus grande difficulté a été de m’adapter à la bureaucratie.

Qu’est-ce que vous préférez-vous à Paris ?

On a tendance à l’oublier quand on est là depuis un moment, mais entrer dans une fromagerie ou une chocolaterie est à chaque fois une expérience saisissante. Vous y serez émerveillé par une simple boîte de chocolat. Aller à la boulangerie aussi est une expérience hors pair : vous pouvez discuter avec le boulanger et le voir travailler dur, c’est tout bonnement incroyable.

Dites-nous où vous achetez votre pain.

134 RDT est une très bonne boulangerie située au 134 rue de Turenne. Benjamin y fait du très bon pain, pourtant il n’est pas reconnu à sa juste valeur. Si je devais vous citer mes 3 boulangeries préférées, Benjamin en ferait partie.

Sur quels marchés vous rendez-vous ?

J’ai l’habitude d’aller sur les marchés près de chez moi. Le marché Richard Lenoir par exemple est le plus grand marché en plein air de Paris et on y trouve de tout. J’aime beaucoup celui des Batignolles, le samedi, pour son marché bio. Mais ce qui compte à Paris, c’est le relationnel. Une fois dans les petits papiers des commerçants, vous aurez droit à un service de bien meilleure qualité. Il faut aussi savoir se montrer exigeant, tout un art qui s’apprend en vivant en France. Je ne vais que dans des endroits où je peux choisir moi-même mes aliments. Certains trouveront ça un peu extrême, mais au contraire, cela montre que vous savez ce que vous voulez.

David Lebovitz courses shopping marché boutique gourmet

Comment faites-vous habituellement vos courses ?

Je déteste les supermarchés, même si certaines supérettes ethniques proposent de bons produits et que le Lidl en bas de chez moi offre parfois des choses surprenantes. Pour la viande et le poisson, je me fournis uniquement sur les marchés. Le fromage, en fromagerie car je veux soutenir les commerçants de quartier. Parfois, j’en achète sur le marché de Popincourt car la vendeuse a de très bons fromages et une offre très variée à un prix raisonnable. Sans oublier le marché d’Aligre pour les épices.

Êtes-vous un gros mangeur ?

Je cuisine beaucoup, pour moi ou pour mes amis. Je vais parfois à A La Biche Au Bois au 45 Avenue Ledru-Rollin. Dans ce bistro traditionnel, ils servent du très bon gibier, leur spécialité. Par contre, je rentre toujours chez moi avec un doggy bag, car manger un poulet entier reste mission impossible.

D’autres suggestions de restaurants ?

Pas un restaurant, plutôt mon pêché-mignon. Les crumpets chez Marks and Spencer. On me demande toujours pourquoi je ne fais pas les crumpets ou les viennoiseries moi-même. Je rétorque toujours que je préfère aller les acheter chez les spécialistes en la matière, c’est bien meilleur. Cette mentalité est typiquement américaine cela dit, l’influence d’internet sûrement. Certains pensent vraiment que j’ai des abeilles sur le toit pour faire mon miel.

Vous possédez une collection intéressante d’ustensiles de cuisine vintage. Où vous les procurez-vous ?

Sur des brocantes ou des vide-greniers. Cette cocotte Le Creuset des années 1950 par exemple est une édition limitée. J’accumule beaucoup d’accessoires comme des cuillères en bois et toutes sortes de gadgets pour des raisons diverses et variées, mais mon ustensile préféré reste la cuillère à glace américaine.

Vous sentez-vous parisien ou expat ?

Je crois que je me sentirai toujours américain, mais je crois aussi qu’on devient tous parisiens avec le temps, vivre ici nous change. Par exemple, je parle français comme mon compagnon ce qui n’est pas toujours une bonne chose. Je dis souvent « Je sais pas… » en haussant les épaules à la parisienne. Mais il est adorable et toujours très optimiste. Le comble c’est qu’il me dit que je devrais être plus optimiste. Vous imaginez, dans la bouche d’un Français qui parle à un Américain ! Après un certain temps, on a le droit de râler à propos de certaines choses, parce qu’on n’est plus en vacances et qu’on habite là depuis des années. C’est ce qui fait que je me sens parisien. Et puis, j’ai une famille française maintenant, donc j’imagine que je serai toujours au croisement des deux cultures.

La mousse au chocolat caramel de David Lebovitz

Cordon bleu ou pas, vous adorerez parcourir les dernières recettes de David Lebovitz, compilées dans My Paris Kitchen. Avec beaucoup de panache, Lebovitz vous plonge dans un livre de recette truffé d’histoires pleines d’humour sur la vie à Paris. Il y explique comment prononcer des mots apparemment imprononçables, comme « moelleux », ou propose une leçon sur l’art de boire du vin au petit-déjeuner (et oui, c’est apparemment tout à fait acceptable).

Cela étant dit, même si vous n’aimez pas trop cuisiner, vous vous laisserez surprendre par ses recettes empreintes de simplicité. Sa mousse caramel-chocolat dont nous vous dévoilons la recette ci-dessous vous mettra l’eau à la bouche. Pour vous mettre encore plus en appétit, nous avons rassemblé quelques photos de son crumble à l’abricot, de ses gâteaux au chocolat accompagnés de dulce de leche et de fleur de sel ou encore de sa crème brûlée au café. Vous les retrouverez toutes dans My Paris Kitchen.
En attendant, nous vous conseillons vivement de tester la mousse au chocolat. La promesse de Lebovitz est qu’elle « vous laissera sans voix dès la première bouchée ».

recette dessert David Lebovitz mousse au chocolat caramel
Mousse au chocolat caramel

David Lebovitz nous dévoile l’une de ses recettes préférées de son best-seller, My Paris Kitchen.

1/2 tasse (100g) de sucre en poudre
3 c. à café de beurre salé, coupé en cubes
3/4 tasse (180ml) de crème épaisse
170g de chocolat mi-amer ou mi-sucré, cassé en morceaux
4 gros œufs, blancs et jaunes séparés
1/4 c. à café de sel marin, fleur de sel de préférence

  1. Répartir le sucre de manière homogène sur toute la surface de la casserole. Faire chauffer le sucre à feu moyen. Lorsque le sucre commence devenir liquide sur les côtés, le rabattre délicatement vers le centre à l’aide d’une spatule calorifuge. Surveiller soigneusement, lorsque le sucre commence à colorer sur les côtés, il risque de brûler. Continuer la cuisson, en remuant délicatement, jusqu’à obtenir un sucre fondant et caramélisé.
  2. Lorsque le caramel atteint la coloration ambre foncé et se met à fumer, attendre une légère odeur de brûlé, puis retirer du feu et incorporer le beurre en remuant rapidement jusqu’à obtenir un résultat fondant. Incorporer progressivement la crème et remuer jusqu’à obtenir un caramel coulant. (Il faudra peut-être vous armer de patience, certains morceaux de caramel peuvent se montrer résistants. Si tel est le cas, passer le mélange au tamis).
  3. Une fois le mélange lisse, ajouter le chocolat en remuant délicatement jusqu’à obtenir un résultat fondant et lisse. Déposer le mélange dans un grand bol et laisser reposer jusqu’à atteindre une température ambiante. Une fois refroidi, incorporer les jaunes d’œuf en fouettant.
  4. Dans un autre bol, monter les blancs en neige. Incorporer un tiers des œufs en neige au mélange de chocolat et saupoudrer de fleur de sel. Incorporer le reste des blancs en neige jusqu’à obtenir une couleur uniforme. Servir la mousse dans des verres ou la déposer dans un joli plat et réfrigérer pendant au moins 8 heures. Vous serez sûrement tentés de la servir avec de la crème Chantilly mais je vous recommande de la servir nature et de la déguster à la cuillère.